L'arche de Noé était-elle vraiment un bateau ?
Plongeons-nous dans le texte de la Bible en hébreu pour en découvrir un peu plus.
Le mot arche se dit en hébreu biblique : תֵּבָה (téba)
Ce mot est employé plusieurs fois dans la Bible hébraïque mais à l’occasion seulement de deux épisodes bien particuliers :
- tout d’abord, dans le livre de la Genèse à partir du chapitre 6 verset 14 et jusqu’au chapitre 9, quand Noé, sur l’ordre de Dieu, se réfugie avec sa famille et des animaux, à l’intérieur d’une arche durant tout le temps du Déluge.
Gn 6, 14 -16 : « Fais-toi une arche de bois résineux. Tu feras l’arche avec des cases. Tu l’enduiras de bitume à l’intérieur et à l’extérieur. Cette arche, tu la feras longue de trois cents coudées, large de cinquante et haute de trente. Tu feras à l’arche un toit à pignon que tu fixeras à une coudée au-dessus d’elle. Tu mettras l’entrée de l’arche sur le côté, puis tu lui feras un étage inférieur, un second et un troisième. » (trad. Tob)
- puis, dans le livre de l’Exode au chapitre 2, quand Moïse, encore nourrisson, est déposé par sa mère dans le Nil, alors que Pharaon avait ordonné la mort de tout garçon nouveau-né.
Ex 2, 3 : « Elle [la mère de Moïse] lui [Moïse] trouva une caisse en papyrus, l’enduisit de bitume et de poix, y mit l’enfant et la déposa dans les joncs sur le bord du Fleuve. » (trad. Tob)
Après ce 2ème chapitre de l’Exode, il ne sera alors plus question du mot תֵּבָה dans la Bible hébraïque. Certes, nous retrouverons l’expression « arche d’alliance » un peu loin dans ce livre de l’Exode (cf. Ex 25, 10), mais dans le texte hébreu de la Bible hébraïque, il ne s’agira alors pas du mot תֵּבָה mais d’un autre mot : אֲרוֹן (’aron) un coffre.
Le mot arche est donc intimement lié aux histoires de Noé et Moïse et plus encore, à des histoires de sauvetage. En effet, pour l’un comme pour l’autre, l’arche apparaît comme le moyen de protéger la vie et plus encore de la sauver. Ce fut le cas pour Noé, ses proches et les animaux qui, dans l’arche, ont été protégés du Déluge et sauvés, ainsi que pour Moïse qui, lui aussi dans une arche, échappe à la sentence de mort déclarée par Pharaon et voit sa vie sauvée quand la fille de Pharaon le recueille.
L’arche est donc bel et bien liée à l’idée d’un refuge en un temps où la vie est menacée.
Cela est souligné par le rabbin Raphaël Hirsch qui, dans ses commentaires de la Genèse, indique bien qu’une arche est un bâtiment de sauvetage. Il s’agit en effet d’une « caisse » ou d’un « récipient » servant à préserver de manière salvatrice des êtres vivants de l’eau.
Le rabbin allemand précise que cette caisse est large à la base et plus effilée vers le haut. L’apparence de cette « boîte » va donc à l’encontre des images familières que nous avons de celle-ci qui la représente sous forme d’un bateau. En effet, un bateau est plus large en haut qu’à la base. Le profil de cette caisse nous laisse donc à penser qu’une arche n’est pas destinée à fendre les vagues – comme un bateau – mais au contraire à être portée par elles.
Aussi pouvoir nous dire que cette caisse, que ce vaisseau flottant sans rame ni gouvernail donc non dirigeable, nous invite à un grand lâcher prise. En effet, nous ne pouvons, une fois dedans, qu’accepter de nous laisser guider par le souffle, et cela au grès des vents, sans connaître ni la destination, ni la durée de la traversée.
La seule chose que nous savons, c’est que cette traversée nous protège, nous préserve et nous sauve. Et qu’un jour, au moment favorable, tout comme Noé et Moïse, nous reposerons le pied à terre. Celle-ci sera cependant une toute autre terre.
En effet, alors que c’était assurément la mort qui attendait Noé ou Moïse, à la fin de cette traversée, aussi éprouvante soit-elle, c’est bel et bien une nouvelle terre, une terre porteuse de vie qui attend chacun à la sortie de l’arche.